La Récompense-outil



 

La récompense, un outil de travail ignoré

 

 

 

                           Il est temps de déculpabiliser la notion de récompense et de donner à celle-ci une plus juste place. Récompenser ne signifie nullement gâter un cheval. La récompense est un outil de travail et doit être utilisée en tant que tel. Elle est avantageusement pratiquée par la plupart des dresseurs animaliers comme moyen d'obtention de certains résultats, par exemple pour les fauves, les éléphants, les otaries, les chiens, etc... sans que personne n'y trouve rien à redire. Lorsqu'il s'agit du cheval, les choses sont différentes et certains considèrent qu'utiliser la récompense avec lui atteste de l'incapacité d'obtenir des résultats autrement, et représente un signe de faiblesse. Il est difficile de comprendre pourquoi le cheval devrait être traité différemment des autres animaux, sachant aussi qu'une carotte ou un sucre seuls n'ont jamais permis d'apprendre quoi que ce soit à un cheval.

 

                           La récompense n'est pas un enjeu de travail entre l'humain et le cheval. Comme son nom l'indique, elle intervient pour récompenser une action terminée, elle est donc donnée après un exercice et si, et seulement si, l'humain décide de l'attribuer à l'animal. Donner un sucre à un cheval ne se fait pas au hasard pendant le travail. Il est une règle très importante à respecter pour que cet acte garde tout son sens: c'est toujours l'humain qui donne, ce n'est jamais le cheval qui prend. Ce n'est jamais le cheval qui décide, c'est toujours l'humain qui contrôle. Ainsi, un cheval ne deviendra jamais mordeur mais restera toujours respectueux des limites à ne pas dépasser. Donner une récompense n'est donc pas un acte anodin, mais doit s'apprendre pour être effectué correctement. Cela permet en même temps d'éduquer le cheval qui ne doit en aucun cas fouiller les poches, bousculer ou insister, ni surtout mordre pour obtenir une friandise qu'il a aperçu dans la main de l'humain. Si un cheval réagit ainsi, c'est que l'humain s'y prend très mal et il obtient alors l'effet inverse de ce qu'il espère. Ces attitudes envahissantes du cheval sont la preuve de son manque de respect, de son inattention et de sa prise de pouvoir sur l'humain. Il veut avant tout sa friandise et va aller la chercher par tous les moyens en se moquant pas mal des tentatives de l'humain pour le repousser, et en usant si nécessaire de sa force, bousculades et morsures. Cela est évidemment totalement inadmissible et ne correspond en rien à l'attribution de la récompense en tant qu'outil de travail.

 

 

 


                             L'utilisation de la récompense au cours du travail présente des avantages non négligeables qu'il est important de présenter ici. Tout d'abord, elle intervient dans l'éveil et la motivation des chevaux. Lorsque l'on débute l'éducation d'un cheval à la voix, la récompense permet de capter rapidement l'attention du cheval, élément important à obtenir et de manière permanente pour poursuivre le travail de manière efficace. Il est bien sûr possible de s'en passer totalement, mais le travail sera plus long, plus laborieux dans certaines demandes, moins plaisant pour le cheval qui sera moins volontaire et il deviendra alors nécessaire, à un moment ou à un autre, de contraindre le cheval de manière plus autoritaire. On ne se trouve plus alors dans le domaine de l 'éducation mais dans celui du dressage classique. La récompense permet justement de supprimer la contrainte et d'installer une ambiance de travail sympathique et intéressante. Certains cavaliers disposent de chevaux inertes et mentalement absents, retirés dans leur monde intérieur, duquel aucune proposition humaine traditionnelle ne parvient à les tirer: rendre de tels chevaux autonomes et actifs au cours du travail est très difficile. Ils sont gentils mais passifs, ne réagissent pas à l'appel de leur nom et ne se laissent d'ailleurs pas toujours attraper lorsqu'ils sont en liberté. Avec de tels chevaux, l'utilisation de la récompense peut permettre une entrée en matière pour l'établissement d'une relation plus étroite entre l'humain et le cheval mais elle restera totalement inefficace si l'action humaine se limite à la distribution de douceurs, le cheval acceptant le présent mais retournant très vite à ses affaires si l'humain n'a rien d'autre à proposer.

 

                            Pour que cette entrée en matière puisse, se prolonger, c'est à l'humain d'entamer le dialogue, mais d'une manière plaisante et intéressante afin que le cheval y trouve lui aussi son compte. C'est là que l'usage de la voix et les exercices à pied trouvent leur meilleure expression car ils contribuent à l'établissement d'une relation de sympathie entre l'humain et le cheval. Il est vrai qu'au début, la plupart des chevaux s'intéressent à l'humain qui récompense uniquement pour la friandise. Cela est tout-à-fait normal, mais je rappelle qu'il ne s'agit là que d'une entrée en matière, une façon d'attirer le cheval pour commencer ensuite un vrai travail. L'humain est toujours le maître du jeu. Si la friandise permet d'obtenir le fait qu'un cheval se tourne vers lui, c'est très positif mais ce n'est évidemment qu'un début, et cela constitue une excellente manière d'entamer le dialogue avec le cheval.

 

 


 

                          La récompense intervient aussi de manière très avantageuse avec les chevaux dits difficiles. Ces chevaux sont généralement des individus qui ont une très mauvaise image de l'humain car ils se sentent perpétuellement agressés par lui (et ils le sont effectivement, ne serait-ce que verbalement). Ils sont en opposition constante et souvent n'ont pas vraiment bien compris ce que l'on attend d'eux. L'utilisation de la récompense, à nouveau comme outil de travail, permet de les aborder différemment. Ils sont généralement habitués aux coups et aux cris et leur proposer une douceur peut les inviter à s'ouvrir, à condition de poursuivre avec gentillesse et intelligence. Il s'agit de réhabiliter un cheval totalement sur la défensive et donc de s'adapter à ce qu'il va pouvoir donner jour après jour pour reconstruire quelque chose de possible. La récompense présente, à nouveau dans ce cas-là, un avantage dans le domaine du relationnel avec le cheval et contribue au rétablissement de la confiance.

 

                         Elle peut intervenir également pour agrémenter une ambiance de travail, dans la mesure où elle va donner au cheval le plaisir de travailler, ce qui est loin d'être négligeable. Un cheval qui travaille avec plaisir est d'autant plus volontaire et actif à répondre aux demandes qui lui sont adressées, il devient même demandeur d'exercices et capable de faire lui-même des propositions tout-à-fait heureuses et acceptables.

 

                        Enfin, certaines demandes particulières, bien éloignées de l'équitation traditionnelle, comme les manipulations d'objets, permettent d'exercer les capacités intellectuelles du cheval mais aussi leur précision gestuelle. Dans ces cas-là, la récompense intervient en tant que telle pour récompenser un acte réussi mais aussi pour entretenir désir, motivation, et plaisir de partager une activité qui demande une importante concentration et beaucoup de précision, mais qui en réalité apparaît comme très ludique pour le cheval lorsqu'elle est effectuée de cette manière.

 

 



 

                       La récompense en tant qu'outil de travail, pour être efficace, se pratique à des moments extrêmement précis. Si elle est utilisée, c'est avant tout pour marquer l'esprit du cheval en rapport avec un acte positif qu'il vient de réaliser. Son impact est différent de la simple caresse et permet d'appuyer auprès du cheval l'importance que l'on confère à ce qui vient d'être réalisé. Il est donc important de relier l'attribution d'une récompense avec l'exercice ou le mouvement que le cheval vient d'effectuer, sinon elle perd tout son sens. Elle doit être donnée à la fin de l'exercice, mais en gardant encore la concentration du cheval sur ce qu'il vient de faire. Si, lorsqu'un exercice s'achève, on félicite le cheval et on le caresse, cela marque pour lui le début du relâchement. Si c'est à ce moment que l'on commence à fouiller dans sa poche pour chercher la friandise, pendant ces quelques secondes, le cheval continuera à se relâcher et pourra déjà commencer à penser à autre chose. Il prendra évidemment la récompense, mais il ne reliera plus forcément celle-ci au mouvement précis qu'il vient d'effectuer, et l'attribution de la récompense perd alors toute sa valeur. Cela est particulièrement vrai en phase d'apprentissage d'un nouvel exercice. Il est donc important pour l'humain, avant l'exercice, de réfléchir au moment où lui-même va intervenir pour récompenser de manière à avoir l'impact voulu sur l'esprit du cheval. La récompense est donc déjà prête, souvent tenue dans une main pour pouvoir agir exactement au moment utile, à la fin du mouvement.

 

                        En fait, la récompense est un outil qui nous permet d’obtenir des éléments particuliers qui nous paraissent incontournables dans notre approche et qui sont la concentration sur nos demandes et le plaisir de travailler avec nous, ainsi que le développement de l'autonomie du cheval et celui de ses capacités intellectuelles.. Elle permet aussi d'agir sur un cheval crispé, qui n'utilise son corps qu'avec raideur, qui ne se livre pas face à l'homme, qui ne s'accorde que des déplacements de tête ou d'encolure réstreints. Dans ce cas-là, la friandise utilisée de manière particulière, permet de guider et d'amener le cheval à se mobiliser en oubliant les restrictions qui le bloquent, et une fois qu'un déplacement physique s'est amplifié, le cheval le reproduira ensuite à nouveau. La récompense-outil permet ainsi de franchir des frontières et des barrères physiques et mentales que le cheval s'est construites au fil de ses expériences douloureusement vécues.

 

 

 

 

                      Il faut donc bien considérer la récompense comme un outil de travail qu'il est bien dommage de négliger au regard des multiples avantages que l'on peut en retirer. Elle intervient comme entrée en matière avec le cheval pour stimuler son attention et solliciter sa réflexion, mais aussi pour établir un climat relationel sympathique et une ambiance de travail agréable, tout en agissant sur des apprentissages bien déterminés qu'elle permet de souligner précisément au cheval qui acquiert une meilleure conscience de ce qu'il fait. La difficulté tient toutefois dans la manière de l'utiliser, afin qu'elle puisse réellement remplir son rôle pédagogique auprès du cheval sans devenir une simple distribution de friandises, dénuée de sens. Elle n'est jamais qu'un outil ou une entrée en matière et l'humain doit savoir rebondir sur ce qu'elle permet d'obtenir pour aller plus loin, dans le travail et dans la relation avec son cheval. Voilà encore une aide méconnue, méprisée et malheureusement dénigrée, tout simplement par ignorance de ses vertus et surtout de la juste manière de s'en servir.

 

 

 

Comment donner une récompense?

 

 

                     Pour donner coorectement une récompense à un cheval, il faut bien s'imprégner du principe suivant: « c'est l'humain qui donne, ce n'est pas le cheval qui prend ». C'est vous qui décidez et non pas lui. A aucun moment vous n'êtes obligé de lui en donner une carotte par exemple parce qu'il en veut une. Vous êtes le maître. Toujours. C'est vous et vous seul qui décidez de l'attribution de la récompense et du moment où elle sera donnée. Et c'est là que vous allez déjà commencer à imposer votre autorité, gentiment mais fermement. Vous êtes gentil (vous le récompenser), mais il doit vous respecter (c'est vous qui décidez). A partir de là, vous avez déjà commencé à structurer son esprit et à créer une hiérarchie et un mode de fonctionnement. La carotte est un outil de travail et il faut s'en servir en tant que tel.


                    Il faut ensuite apprendre au cheval la bonne manière de saisir un morceau de carotte. A aucun moment il ne faut tolérer qu'il vienne se servir lui-même dans votre main ou dans votre poche. C'est votre main qui rejoint sa bouche et non l'inverse. Si le cheval est très gourmand, il peut se montrer trop pressé. Il va donc falloir lui apprendre à attendre. Vous saisissez le licol dans une main et vous lui présentez le morceau de carotte dans l'autre main. Tant qu'il montre de l'empressement, vous ne lui donnez pas ce qu'il veut mais vous le retenez fermement par le licol en lui parlant. C'est le moment de lui apprendre des mots tels que « Non », « Doucement », « Attends », « Pas bouger ». Ne lui donnez le morceau de carotte que lorsqu'il sera calmé, puis caressez et recommencez. Gardez toujours à l'esprit ce principe: « c'est vous qui donnez et ce n'est pas lui qui prend ». Si vous appliquez cette règle, vous ne serez jamais confronté au problème du cheval mordeur qui n'est en fait qu'un cheval mal éduqué. C'est à vous de décider ce que vous autorisez ou non à votre cheval. Les limites qui seront les siennes seront celles que vous aurez mises en place.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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